la-vuelta.com : Bonsoir Benoit, te voilà en bord de mer, dans mon téléphone, j'entends un tintammarre de musiques méles aux feux d'artifices, on a pas l'air de s'ennuyer à Lloret del Mar.

Benoit Joachim : ça explose de partout, pas moyen de s'entendre. Je vais tenter d'opérer un repli stratégique, je dis bien tenter car la musique arrive de partout. Là je suis à environ 100m de l'hotel et c'est vraiment le bazar, j'espère que ça va s'arrêter pendant la nuit parce que sinon demain ce n'est pas en vélo que je vais faire l'étape, mais dans la couchette du Barcelone Luxembourg ! On en est presque jaloux de voir tous ces touristes faire la java alors que nous, concentrés sur notre course on est en plein dans la réalité de notre métier de coureur. Le choc des deux sensations me fait tout drôle.

la-vuelta.com : Je dois m'employer à tenter de maintenir le tonus de ta concentration, si je comprends bien ?

Benoit Joachim : Bon, pas vraiment, là je suis sur un banc et on va essayer de faire notre chronique comme ça.
Puisqu'on en est au chapitre des sensations un peu plus personnelles que d'habitude, laisse moi commencer par une surprise qui m'a été faite hier après l'étape: J'ai eu la visite surprise de ma mère, qui a fait un détour de plusieurs heures depuis La France, juste pour venir faire un petit coucou à son fils coureur, ça m'a fait super plaisir, de plus le soir d'une victoire pour notre équipe, cerise sur le gateau.

la-vuelta.com : Et le lendemain, c'est à dire aujourd'hui une étape de plat dite de transition, c'est bien ça ?

Benoit Joachim : Le public croit qu'une étape comme celle d'aujourd'hui était une étape de plat, mais je peux te dire que si les gens devaient faire à vélo ce que l'organisation appelle une étape de plat, ils iraient immédiatement habiter dans un pays où il n'y auraient que des descentes ou pas vélos! car c'était tout bonnement une étape très vallonnée, comme souvent en Espagne.

la-vuelta.com : tu veux dire dure?

Benoit Joachim : Je veux dire que ce n'était pas du tout un jour de repos, l'organisme a été mis à contribution aujourd'hui aussi.

la-vuelta.com : On parle souvent de la nervosité du tour d'Espagne et certains comparent les difficultés des trois grands Tours, beaucoup disent que le Tour de France roule à des moyennes supérieures au Tour d'Espagne, qu'en penses-tu?

Benoit Joachim : Ceux qui disent ça se gourrent, la Vuelta est toujours très rapide, mais il faut tenir compte de paramètres qui font la différence avec le Tour, d'abord il y a surement plus de Montagne répartie sur plus de sommets à franchir, il y a aussi plus de vent - les bordures sont connues et se répètent souvent dans la Vuelta, la nervosité des coureurs sur le "Tour d'Espagne est bien réelle". les coureurs étant moins bien payés que sur le Tour - les tarifs des récompenses pour les divers trophées sont 4 fois moins importants, les coureurs doivent donc tenter de se distinguer, ce qui rend la course plus nerveuse.
Les moyennes sont une chose mais la difficulté en est une autre. Je place le Tour à égalité avec la Vuelta, au plan de la vitesse relative et le Giro un ton nettement en dessous, c'est à dire plus tranquille.

la-vuelta.com : Pourquoi Heras, que tu as bien connu pour avoir été son coéquipier, est -il si performant dans la Vuelta et pas du tout sur le Tour depuis quelques années ?

Benoit Joachim : Un coureur ne peut pas être au top sur deux grands tours, le Tour d'Espagne, c'est son territoire, son pays, il y a déjà brillé, il est supporté par la foule espagnole, ça encourage à continuer dans ce sens. De plus en Espagne il pouvait gagner, avec Armstrong, il savait qu'il n'avait pas toutes les chances de son côté, donc repli stratégique sur la Vuelta. Mais qui sait? si il gagne la vuelta 2005, établissant le record des victoires, il pourrait être tenté de peser le pour et le contre face à des Ulrich Basso et ceux qui sont en fait sur le Tour d'Espagne en ce moment. L'autre option serait celle de ne pas rsiquer de perdre la face en s'engageant vraiment sur le Tour et en y montrant des limites.
Quoiqu'il en soit je ne suis pas à sa place et la forme d'un coureur, n'est pas un acquis définitif ! alors ne faisons pas trop de spéculations hazardeuses.

la-vuelta.com : Le sprint d'aujourd'hui ?

Benoit Joachim : Personne ne l'a signalé mais il y avait une petite bosse 3 km avant l'arrivée de 500m environ, mais qui faisait bien mal, certains sprinters comme Backsted, y sont restés plus ou moins plantés. On roulait en bord de mer, lorsq'on s'est mis à grimper sans qu'on s'y attende, Van Heeswijk m'a dit qu'il manquait un peu de puissance aujourd'hui, donc il a laissé faire

la-vuelta.com : Grand jour demain ?

Benoit Joachim : Pour certains oui, mais pas pour moi car je considère ce chrono comme un jour de repos assis ! je ne vais même pas reconnaitre le parcours, je préfère me reposer demain matin. Par contre Beltran et Danielson vont le reconnaitre.

la-vuelta.com : A ce sujet, peux-tu nous parler de ce juen coureur américain ?

Benoit Joachim : Ce que je peux dire, c'est qu'il grimpe, qu'il peut nous étonner et qu'il a remporté le tour de Georgie au printemps dernier. Je ne le connais pas encore très bien. Je ne sais pas vraiment ce qu'il a en tête pour la Vuelta, mais il va reconnaitre le parcours de demain!

la-vuelta.com : Quel est ton pronostic pour demain, tu as un joker ... après ton plantage du premier jour !

Benoit Joachim : Je suis bien obligé de placer Menchov et Heras en tête, avec un arbitrage possible de Botero, si il est bien et avec Mancebo, je placerais Tom Danielson dans les cinq.

la-vuelta.com : Je risque un nom dans les cinq: David Blanco

Benoit Joachim : De toutes façons, c'est la montagne avec les 6 arrivées aux sommets qui selon moi fera la différence. Même si Heras devait perdre le maillot demain, on a vu qu'il a toutes les chances de le reprendre parce qu'il est intetelligent , qu'il a une super équipe pour la Montagne et surtout qu'il sait très bien répartir et gérer les efforts, en outre il a une super cadence de pédalage.

la-vuelta.com : La-vuelta.com te remercie pour toutes ses précisions. Preuve est faite que le vacarme extérieur ne t'a pas distrait, tu as glissé dessus haut la main.