Benoit Joachim coureur de l'US Postale, qui en est à sa 4ème Vuelta   vit et commente tous les jours la course de l'intérieur.
la chronique de Benoit Joachim



3ème étape
Burgos - Soria
156 km

Lundi 6 Septembre 2004




voir le site de benoit joachim

www.benoitjoachim.com

3ème étape

Bien sûr aujourd'hui, c'est la joie qui prime sur la fatigue!
Avoir le maillot de leader dans un des trois grands tours qui se situent au même niveau, c'est toujours important pour un coureur professionnel.
Ok le Tour a plus de prestige, mais la vuelta, c'est quelquechose! c'est vraiment un tour très dur, tous les coureurs le savent.

Les circonstances de la course depuis 3 jours me font beaucoup parler de notre équipe, c'est normal, le maillot ORO a changé 3 fois d'épaules! ... et à chaque fois je l'ai sous les yeux à l'hotel de l'US Postale!
Je l'ai même sous les yeux depuis 2 jours, (c'est peut-être pour ça qu'il était si tentant !!! ), car mon copain Max Van Heeswijk qui l'avait hier partage la même chambre que moi.
Le maillot a juste changé de cintre dans notre chambre ce soir!

Aujourd'hui encore, à travers la course que j'ai vécue, je suis bien obligé de parler de moi !!!

Je suis quand même un peu déçu qu'il y ait eu autant de bourrasques sur la route car cela a irrémédiablement condamné notre échappée.
Quand on avait près de 10minutes d'avance, j'ai tenté de faire comprendre à mes compagnons d'échappée, que ce n'était vraiment pas le moment de la jouer malin
en levant le pied car je savais qu'à 50 km de l'arrivée à 4, avec le vent qui commençait à se lever sérieusement contre nous!, on prenait de grands risques de la faire exploser et c'est ce qui est arrivé.

Je suis franchement déçu car on aurait facilement pu prendre beaucoup plus de temps avec le vent dans le dos s'ils avaient roulé plus fort et là le peloton aurait vraiment capitulé, il n'y a qu'à voir ce qu'on fait les Saeco qui ont arrêté la chasse qu'ils menaient à 8 derrière nous sans reprendre beaucoup de temps.

Quand Bruyneel est venu me parler, il m'a conseillé lui aussi d'en garder quand même un peu sous la pédale, comme les 3 autres, pour pouvoir soit : jouer l'étape, soit garder assez de forces pour rester dans les roues du peloton si jamais celui-ci revenait.
On savait en effet, que le vent serait contraire, plutôt 3/4, mais vraiment pas de cette force là.
Après ça j'ai roulé comme les autres, mais voyant qu'on perdait trop de temps je me suis remis à bloc dans des relais plus appuyés que les autres.

Il s'est mis à y avoir des rafales à décorner les boeufs, du genre 60 à 80kmh, je dis ça au pif, car j'étais plus occupé à garder la cadence le nez dans le guidon, avec le vent carrément de face.

On était à la limite de la tempête, ça je m'en rendais bien compte !

Je t'en dis un peu plus tout à l'heure, car j'ai plein d'appels, massages, repas ...

la-vuelta.com: qu'est ce qui s'est passé exactement pour toi lorsque le peloton est revenu 9 km avant l'arrivée ?

Depuis quelques km, je savais qu'on serait rejoints, mais que j'avais la possibilité d'endosser l'ORO si je parvenais à prendre le peloton en marche quand il allait fondre sur nous 20kmh plus vite.
J'ai levé le pied quelques minutes avant d'être repris, en pensant fortement à ce changement de rythme soudain auquel j'allais devoir m'adapter.

On a été repris et le changement de cadence a effectivement été très éprouvant, ça roulait vraiment vite, il pleuvait, la route était assez étroite, sinueuse et tout à fait casse gueule avec les trombes d'eau ...

Je me suis accroché comme j'ai pu en restant dans le peloton.
Avec la pluie, les efforts, je ne voyais pas qui était à côté, je pensais en priorité à rester sur la route ... et à la bonne vitesse !

A 3 kms de l'arrivée, juste avant un pont alors que je devais être entre la 40ème et la 80ème position, on roulait à bloc sous un vrai déluge,
il y a eu une chute qui a vraiment étiré le peloton.
J'étais à 200m et j'ai failli moi aussi chuter.
C'était vraiment dangereux !
La bosse grimpée à fond avant l'arrivée n'a pas arrangé les choses, je me suis déchiré pour arriver à conserver les 18" secondes de bonif acquises pendant l'étape.

Finalement j'arrive avec Max, et pas loin de Manuel, mais sans vraiment savoir à côté de qui j'étais ne voyant même pas mes coéquipiers tant l'averse nous cinglait le visage.

Je prends finalement le Maillot ORO pour 16" et je suis "le plus heureux des coureurs cyclistes" ce lundi 6 Septembre 2004.

Comme on s'en doute je pense déjà à demain, alors dodo !